Quand s'inquiéter de la crise d'adolescence de son enfant ?
"Ce n'est pas la durée de la crise car elle est très variable. Ce qui doit surtout vous inquiéter, c'est la conjonction de plusieurs symptômes (échec scolaire, tristesse, repli sur soi.).
Si, depuis 6 mois, votre ado ne sort plus de sa chambre, ne téléphone plus à ses copains et se retrouve en échec scolaire, alors là, il faut se poser des questions et consulter car ensuite, cela peut aller très vite.
L'échec scolaire et le redoublement ont ceci d'ennuyeux qu'ils entrainent la perte des camarades de classe, donc un début de désocialisation."
Comment peut-on expliquer que dans une même famille, un ado fasse sa crise et pas son frère ou sa sœur ?
"En général, c'est le plus intelligent et le plus sensible ! Celui qui est capable de prendre sur lui les tensions familiales, et donc de protéger l'équilibre de la famille. Donc, plutôt que de le considérer comme un voyou, on peut le voir comme un contestataire, un "révolutionnaire", essayer de comprendre ce qu'il remet en cause, les questions intéressantes qu'il soulève. Les adolescents sont très sensibles à l'état psychique de leurs parents. S'ils sentent que le couple va mal, que ses parents travaillent trop, il va, par ses symptômes, refuser ce type de vie et donc, à sa manière, poser des questions sur le vrai sens de la vie, l'amour dans un couple, le bonheur..."
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Dialoguez avec votre adolescent. © Kablonk Micro - Fotolia.com
Qu'en est-il de la crise d'adolescence dans une famille recomposée ?
"Elle est plus complexe, car à la crise "normale" se surajoute un problème de place, perdue, et à réinventer. Par exemple, quand un aîné se retrouve cadet dans la famille recomposée. En général, on constate quand même, que si les parents ont trouvé un équilibre affectif, les enfants s'adaptent et vont bien. Mais
si l'un des parents refait sa vie et pas l'autre ou si la séparation du couple n'est pas acceptée, il y de fortes chances pour que l'adolescent soit pris en otage dans le conflit entre les ex-conjoints. Lorsqu'un adolescent est en crise avec son beau-père ou sa belle-mère, il convient de vérifier que l'autre parent ne dit pas de mal de cette personne. Plus généralement, si le couple conjugal est détruit, les parents se doivent de construire un couple parental qui respecte la loyauté que les enfants éprouvent par rapport à leur père et à leur mère... Demander à un ado de prendre partie pour l'un, donc de choisir entre son père et sa mère, c'est le mettre dans un conflit de loyauté qui ne peut que lui faire du mal."
Un dernier mot à nos lectrices ?
"Deux écueils sont à éviter :
Croire que cette crise est la fin du monde
Croire qu'elle n'a pas d'importance et que ça va s'arranger tout seul
Pour 80% des ados, tout se passe bien, donc il ne faut pas tout de suite, s'imaginer le pire... Mais il faut rester vigilants à d'éventuels signaux de détresse (conjonction de plusieurs symptômes et durée de ceux-ci).
Par ailleurs, sachez que les crises les plus bruyantes se résolvent si les parents acceptent de ne pas tout comprendre, tout en continuant à essayer de le faire, c'est-à-dire, sans laisser tomber leur ado. Il faut juste que chacun puisse éprouver et se dire, que chacun fait de son mieux dans une situation difficile pour tout le monde."
En savoir plus :
"J'aide mon ado à grandir" de Françoise Rougeul, aux éditions Eyrolles. Françoise Rougeul est professeur émérite de psychopathologie clinique et neuropsychiatre. Elle a été psychanalyste et thérapeute familiale systémique pendant 40 ans.