de femmes ont accès à toutes sortes d’éléments religieux dispersés et décrochés de leur lieu
d’origine. Des conversions individuelles, des passages d’une religion à une autre, sont donc
désormais possibles à grande échelle sur toute la planète. De ce fait, l’auteur ne croit pas à un retour
du religieux, pas davantage en un choc des civilisations. Nous aurions plutôt à faire à une véritable
métamorphose du religieux.
Quand le christianisme fait son deuil de toute prétention à inspirer une culture globale sécularisée, il
tend à prendre les traits d’une sous‐culture minoritaire inscrite dans le multiculturalisme
contemporain. C’est d’ailleurs ainsi qu’aujourd’hui des Eglises ont tendance à revendiquer leurs
droits. Elles en appellent au respect d’une communauté particulière au même titre que bien d’autres,
ce faisant elles entérinent une rupture de fait avec leur statut de référence culturelle globale,
commente Olivier Roy.
Ayant sans état d’âme relégué dans le passé toute volonté de composer avec les cultures, le néoprotestantisme
est d’emblée plus accordé à cette mutation. De ce fait, le pentecôtisme est la religion
qui connaît aujourd’hui l’expansion mondiale la plus forte sur tous les continents. Il devient la
religion dominante actuelle qui tend à formater plus ou moins chaque religion. Mais c’est chaque
religion qui se recompose dans ce qui est devenu un grand marché. Cette évolution du religieux,
Olivier Roy l’observe partout. Fin connaisseur du moyen Orient, il la remarque fortement dans l’Islam
mais aussi dans bien d’autres mouvements religieux.
Sous la poussée des communautés nouvelles et des mouvements de réveil, peu à peu, cette manière
de vivre la foi est entrée dans le catholicisme. Le pontificat de Jean Paul II l’a favorisé. En France,
mais, c’est ici une appréciation personnelle, on peut dire que d’une certaine manière la dynamique
d’aller au coeur de la foi répond à cette nouvelle donne. L’insistance à revenir au coeur de la foi, à
passer d’un héritage culturel à la proposition de la foi, à se penser en communauté minoritaire, à
entrer dans une pastorale de l’initiation, prend ainsi en compte la sortie des temps de chrétienté. On
voit mal aujourd’hui en effet comment ne pas encourager les chrétiens à s’avancer de plus en plus
communautairement au coeur de la foi pour qu’ils tiennent debout humainement et spirituellement
dans une société dans laquelle la culture ambiante n’est plus porteuse. De ce fait, tenir dans la foi
suppose aujourd’hui bien d’autres exigences qu’hier.
Cela dit, on peut percevoir dans le livre d’Olivier Roy une invitation à mesurer plus finement les
conséquences de cette évolution. Et c’est ici que « la sainte ignorance » pose des questions bien
difficiles à résoudre pratiquement. Des questions que chaque pasteur croise quotidiennement à
chaque carrefour !
Des questions pastorales difficiles et quelques propositions
Dans cette évolution, on voit bien ce que le christianisme peut gagner. Les croyants s’en trouvent
plus impliqués dans leur foi dans des communautés plus ferventes, soucieuses de proposer l’Evangile
au monde. L’Eglise renforce ses exigences et favorise l’avancée au coeur de la foi. Elle a le souci de
former des chrétiens « adultes dans leur foi ».
Cependant il s’agit aussi de regarder ce que le christianisme risque de perdre dans cette
métamorphose. Je me livre ici à quelques considérations plus personnelles.
La question pourrait être celle‐ci : jusqu’où peut‐on s’engager dans une sortie du religieux de la
culture pour un christianisme confessant plus exigent ? Peut‐on encore tenir une pastorale qui donne
droit à l’un et à l’autre ? C’est d’ailleurs ce que l’Eglise catholique en France donne l’impression de
faire, tentant de concilier ou plutôt ballotant entre ces deux pôles qui apparaissent de plus en plus en