Les pistes pour améliorer la coordination des politiques économiques et financières à l’échelle de l’UE
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Le groupe de travail présidé par Herman Van Rompuy sur le renforcement de la gouvernance économique et de la discipline budgétaire au sein de l’UE est parvenu à des propositions relativement consensuelles, visant à assainir les finances publiques des États membres et en assurer un contrôle à l’échelle de l’UE par un dispositif de prévention et de sanction.
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La mise en place du « semestre européen », adopté par les ministres des Finances de l’UE et effectif dès 2011, constitue un dispositif majeur de surveillance des finances publiques par les pairs et d’amélioration de la coordination des politiques budgétaires. À l’occasion de ce « semestre européen », le Conseil européen, sur la base d’un rapport de la Commission, donne des avis en amont sur les équilibres budgétaires des États membres, qui devront corriger leur budget en fonction. Il est bien entendu primordial d’associer les parlements nationaux au débat. Par ailleurs, les recommandations de la Commission et les avis du Conseil devraient être rendus publics afin de rendre pleinement efficace la pratique du naming and shaming.
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Quant aux sanctions, leur automaticité fait débat. Il semble cependant souhaitable qu’elles soient prises à la majorité simple par le Conseil des ministres des Finances afin de respecter la souveraineté des États. Les plus efficaces ne sont pas des sanctions financières mais politiques, comme la suspension des droits de vote.
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Par ailleurs, les stratégies macroéconomiques doivent être débattues à l’échelle de l’UE. Le Parlement européen n’a certes pas vocation à intervenir dans l’examen de leur budget par les parlements nationaux, mais il peut évoquer les conséquences pour l’UE d’une dérive des finances publiques des États membres. Ainsi, il serait souhaitable de mettre en place, au début du « semestre européen », une sorte de conférence des finances publiques, comme l’a suggéré Alain Lamassoure, président de la Commission budgétaire du Parlement européen. Cette conférence réunirait les présidents et les rapporteurs généraux des commissions compétentes des parlements nationaux et du Parlement européen.
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Le président de la Commission José Manuel Barroso a prononcé le 7 septembre dernier devant le Parlement européen le premier discours sur l’état de l’Union. Cette initiative attendue n’a pas convaincu. Il faudrait en conserver le principe, mais le faire évoluer en mettant davantage l’accent sur les perspectives économiques et financières, et le rendre plus solennel en le faisant prononcer par le président du Conseil européen.
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Il s’agit ensuite d’aborder la question des écarts de compétitivité entre États membres, qui mettent en péril la cohésion de la zone euro. Ils ne peuvent être corrigés par la politique monétaire, dès lors que la monnaie est commune. Les ajustements peuvent alors avoir des coûts sociaux importants, comme cela a été le cas en Irlande et en Espagne. Dans ce domaine, l’UE n’a aucun pouvoir de contrainte, ces sujets relevant de la souveraineté des États. Toutefois, l’UE doit assurer une fonction de veille et d’alerte avec l’adoption d’indicateurs pertinents de compétitivité, inspirés des travaux de la BCE, qui pilotera le Conseil européen des risques systémiques. Ces indicateurs permettront de prendre en compte d’autres critères de mesure que le déficit et l’endettement (la dette privée, équilibre de la balance des paiements, etc.). La création d’un Conseil des sages, composé d’économistes de renommée internationale pouvant être saisis par les institutions communautaires ou s’autosaisir de toutes questions touchant à la compétitivité de l’UE serait utile. Leurs avis seront destinés à alimenter les débats au sein des parlements nationaux, les États restant maîtres des réformes à mettre en œuvre.
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Enfin, il serait souhaitable d’impliquer davantage l’Eurogroupe dans la gestion de l’UEM. Les chefs d’État et de gouvernement de la zone euro devraient se rencontrer au moins une fois par trimestre pour discuter des questions sensibles relatives à la politique économique au sein de l’UEM, par exemple des écarts de compétitivité entre États, du dumping fiscal et social, etc. L’Eurogroupe pourrait, de temps en temps, appuyer ses débats sur un rapport d’orientation, qui serait remis par la Commission.
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À moyen terme, la nouvelle gouvernance européenne doit se mettre au service d’une stratégie économique, afin que l’UE prenne toute sa part dans le marché mondial.
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L’UE n’a de sens que si les États membres ont des intérêts communs à défendre dans la nouvelle donne mondiale. Il revient légitimement au Conseil européen de définir ces intérêts et de décider de la meilleure stratégie pour les promouvoir, dans le cadre d’une diplomatie économique active. Ces intérêts européens s’expriment dans la définition de stratégies communes pour l’UE, dont la première est une stratégie de la croissance.
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Au préalable, il s’agit de replacer les institutions communautaires dans leur rôle. En effet, plusieurs éléments ont contribué à entacher l’image de la Commission, et par là même celle de l’UE. La Commission s’est montrée particulièrement peu réactive lors du déclenchement de la crise. Elle a de plus pâti de l’échec de la stratégie de Lisbonne, qui visait à faire de l’UE l’économie la plus compétitive du monde à l’horizon 2010. Enfin, les rivalités incessantes avec la présidence du Conseil européen accentuent davantage sa perte de crédibilité. Ainsi, il est souhaitable que la Commission, gardienne des traités, se concentre sur le parachèvement du marché unique. Les gains de productivité qui en découleraient permettraient de gagner un point de croissance.
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Même s’il manque de visibilité en raison de son éloignement, de son fonctionnement complexe et de l’insuffisance des liens qu’il entretient avec les parlements nationaux, le Parlement européen demeure la seule institution légitime pour débattre des stratégies macroéconomiques et sociales de l’UE.
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Le couple franco-allemand doit constituer une force d’impulsion, tant dans l’élaboration que dans l’application de la stratégie économique européenne. Pour cela, il faut au préalable une meilleure convergence fiscale et sociale entre nos deux nations, mais aussi renforcer la coopération entre les deux pays sur les plans de l’industrie et de la recherche, par exemple par le biais d’un programme d’investissement commun financé par un emprunt conjoint de l’Allemagne et de la France. Ce schéma pourrait par la suite être étendu aux États membres susceptibles de s’arrimer au dispositif, afin de constituer un noyau dur à même d’entraîner l’UE sur la voie d’une véritable fédération économique sur des projets concrets, en nombre certes limité mais ayant la masse critique et à forte visibilité.
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Il convient par ailleurs d’engager une réflexion sur le budget de l’UE afin d’accroître sa capacité à investir. Dans un environnement mondialisé, aucun des États membres ne dispose à lui seul de capacités d’investissement suffisantes pouvant concurrencer celles des États-Unis et de certaines économies asiatiques. Dans les domaines ne relevant pas de la souveraineté nationale, l’UE doit pouvoir favoriser la mutualisation des moyens et les économies d’échelle, comme cela a déjà été fait dans les domaines de l’aéronautique et de l’espace. Mais la faiblesse du budget européen, qui représente 1 % du PIB des États membres, soit environ 140 milliards d’euros, ne lui permet pas de jouer ce rôle. Les États membres n’envisageant pas d’augmenter leur contribution au budget de l’UE, il s’agit d’ouvrir le débat sur des problèmes souvent évoqués et jamais résolus : la question des ressources propres de l’UE ; de sa capacité d’emprunt ; de la pertinence des choix d’investissement de la Commission. Il serait dans ce cadre opportun de créer une Convention, sur le modèle de celle qui a réfléchi à la rédaction d’une Constitution pour l’UE, chargée de repenser la structure de budget de l’UE à l’horizon 2020, notamment de trouver des voies pour accroître ses ressources propres. Les marges de manœuvre ainsi dégagées permettraient à l’UE de développer une capacité d’emprunt, en émettant par exemple des « Eurobonds » afin de financer des stratégies d’investissement.
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Enfin, afin de faire valoir les intérêts de l’UE au niveau international, le Conseil des affaires générales, composé des ministres des Affaires étrangères, pourrait être mandaté pour réfléchir sur les thèmes suivants :
• comment l’UE, forte de sa diversité et de l’expérience acquise pour surmonter les divergences entre États, peut-elle davantage jouer le rôle de laboratoire pour préfigurer les régulations indispensables du marché mondial ?
• comment la Commission dans ces décisions en matière de droit de la concurrence peut-elle mieux prendre en compte la nécessité d’encourager l’émergence de champions européens compétitifs sur le marché mondial ?
• dans quels domaines l’UE doit-elle affirmer davantage une préférence communautaire pour protéger ses industries stratégiques ? Comment parvenir à préfigurer une communauté européenne de l’énergie avec une fiscalité écologique aux frontières ? Faut-il instituer des groupements d’achats ?
• comment obtenir une meilleure réciprocité de nos échanges avec les grands pays émergents en imposant notamment le respect des normes sociales et environnementales ?
• quelles sont les politiques communes dont la défense dans les instances internationales doit être confiée aux instances communautaires à l’instar de la politique commerciale défendue par la Commission au sein de l’Organisation mondiale du commerce ?
En matière de politique économique, l’Union européenne a toujours éprouvé les plus grandes difficultés à s’exprimer d’une seule voix. Cette faiblesse de l’UE fait obstacle à l’expression de la