4 janvier 2014
La diplomatie économique : quels outils pour quels résultats ?
1. Une nouvelle priorité transversale pour le réseau diplomatique
Depuis 2012, la diplomatie économique est affichée comme l'une des principales priorités du ministère des affaires étrangères.
Le constat est hélas bien connu : au sein du commerce mondial, la part de marché de la France, désormais de 3%, ne cesse de se dégrader, y compris au sein de la zone euro.
En 15 ans, la France est passée d'une position d'excédent commercial régulier à celle d'importateur net. Apparu en 2002, le déficit commercial français n'a cessé de se détériorer pour atteindre aujourd'hui le record de 70 milliards d'euros.
Des facteurs d'explication traditionnels comme une monnaie surévaluée, une facture énergétique trop lourde ou un marché européen trop ouvert n'expliquent pas tout, en particulier pas la différence de performance avec notre voisin allemand. L'Allemagne dispose d'un excédent commercial de 130 milliards d'euros (chiffre 2010) en particulier de biens industriels. La question de la spécialisation géographique et sectorielle, de la taille des entreprises et surtout de la compétitivité des entreprises françaises est d'ailleurs au coeur de la réflexion du Gouvernement pour redresser le pays.
La France ne recense que 85 000 PME exportatrices, soit 3,5 fois moins que l'Allemagne et 2 fois moins que l'Italie. Ce nombre a diminué de 12% en 10 ans. Pour développer la présence des PME et des entreprises de taille intermédiaire (ETI) françaises à l'international, il est nécessaire non seulement d'améliorer leur compétitivité mais aussi de leur permettre de bénéficier d'un dispositif d'accompagnement sur les marchés étrangers efficace, lisible et transparent.
Cette priorité doit toutefois s'incarner dans la réalité d'un dispositif public de soutien aux exportations que tous les rapports successifs ont décrit comme étant particulièrement éclaté et fragmenté, qu'il s'agisse du rapport de la Cour des Comptes consacré à ce sujet en 2011 ou de la récente évaluation de la politique publique de soutien aux exportations effectuée par l'Assemblée nationale en juillet 20138(*).
Les maux de notre système, maintes fois décriés, sont bien connus : pluralité d'acteurs (qu'il s'agisse de l'État lui-même (ministère des affaires étrangères et ministère de l'économie et des finances), de ses opérateurs ou des autres acteurs publics (régions..)) et de dispositifs, absence de lisibilité d'ensemble et de pilotage stratégique global.
La démarche du gouvernement n'est pas de se lancer dans un « meccano » institutionnel, mais de partir de la situation dans les postes et de mobiliser, sous l'égide de l'ambassadeur, toutes les énergies en faveur du double objectif à la fois d'accroitre les exportations et d'attirer les investisseurs internationaux.
2. La mise en place des conseils économiques dans les postes diplomatiques
L'un des principaux leviers utilisé a été la mise en place d'un Conseil économique pour tous les postes diplomatiques dans les pays recevant plus de 50 millions d'euros d'exportations françaises. Ce sont ainsi 126 postes qui sont concernés par la mise en place d'un conseil économique.
Au 19 août 2013, 95 postes avaient mis en place un conseil économique, tandis que 21 postes devaient encore le faire d'ici la fin de l'année. A ces postes, il faut ajouter les pays réalisant moins de 50 millions d'euros d'exportations qui ont décidé de mettre en place un conseil, soit 7 postes. Au total 102 postes ont mis en place un conseil économique.
Ce conseil doit être composé au maximum d'une quinzaine de membres. La circulaire relative aux conseils économiques préconisait de réunir autour de l'ambassadeur, chef de l'« équipe de France de l'export », les services concernés de l'ambassade et un éventail représentatif des milieux d'affaires français dans le pays.
Les ambassadeurs y convient systématiquement les principaux services de l'État chargés du soutien aux entreprises (service économique, Ubifrance, AFII). Les représentants de Sopexa et d'Atout France sont conviés au cas par cas. La présence des attachés scientifiques et techniques est également fonction des sujets traités.
Il ressort des comptes rendus des conseils économiques que la composition mixte publique-privée a été parfaitement intégrée. La quasi-totalité des conseils économiques convie des représentants d'entreprises. Les conseillers du commerce extérieur de la France sont systématiquement associés, ainsi que les représentants des chambres de commerce et d'industrie bilatérales. La plupart des postes diplomatiques tentent d'assurer une représentation des grands groupes mais aussi des PME et ETI françaises implantées localement, et visent une représentation équilibrée des secteurs d'activité. Certains postes ouvrent les conseils économiques à des intervenants extérieurs au cas par cas.
La composition des conseils économiques varie donc fortement d'un pays à l'autre (elle peut être large (40 à Washington), ou plus restreint (15 à Pékin)). Elle reflète le plus souvent la densité et la structuration de la communauté d'affaires française.
Les conseils économiques ont vocation à se réunir régulièrement. En pratique, les postes importants réunissent le conseil économique mensuellement, tandis que les réunions sont plus espacées dans les autres postes, avec une périodicité généralement trimestrielle. Certains postes mettent en place un système de rotation des réunions du conseil économique entre les différents centres économiques du pays.
3. Le volet économique des plans d'action des ambassades
Les plans d'action des ambassades comprenaient déjà, la plupart du temps, un volet sur les actions du poste dans le domaine économique et en soutien aux entreprises. La rédaction d'un volet économique a cependant été systématisée à partir du début de l'année 2013. Ces plans répondent désormais à un format contraint (8 pages, dont 6 pages d'objectifs).
À la fin juillet 2013, 38 plans d'actions ont été élaborés selon le nouveau format dans le cadre de réunions interministérielles et validés par le ministre des affaires étrangères.
Afrique du Nord - Moyen-Orient : Tunisie, Maroc, Algérie, Libye. Les plans d'action des Emirats-Arabes-Unis et du Koweït seront instruits par les Ambassadeurs d'ici la fin de l'année 2013.
Afrique / océan Indien : Ethiopie, Mozambique, Gabon, Guinée Bissau, Tanzanie. Les plans d'action du Zimbabwe, du Tchad, du Soudan, du Bénin, de la Namibie, du Sénégal, de l'Ouganda, du Burkina Faso, de l'Afrique du Sud, de Maurice, du Kenya seront instruits par les Ambassadeurs d'ici la fin de l'année 2013.
Union européenne : Chypre, Autriche, Slovénie, Serbie, Norvège, Finlande, Malte, Turquie, Macédoine, Italie, Kosovo, Allemagne, Suisse, Belgique.
Les plans d'action des postes suivants donneront lieu à une révision à travers des réunions d'instruction, de validation ou de suivi d'ici la fin de l'année 2013 : Bulgarie, Estonie, Lettonie, Slovaquie, République tchèque, Monténégro, Biélorussie, Kazakhstan, Kirghizstan, Ouzbékistan, Croatie, Russie, Luxembourg, Espagne.
Amérique : Costa Rica, Brésil, Chili, Haïti, Port d'Espagne, Trinité-et-Tobago. Les plans d'action du Brésil, de l'Uruguay, de l'Argentine, de l'Equateur seront revus d'ici la fin de l'année 2013.
Asie-Océanie : - Corée du Sud, Chine, Afghanistan, Indonésie - Timor-Est - ASEAN, Birmanie, Cambodge, Thaïlande, Brunei, Laos.
4. La nomination d'ambassadeurs pour les régions et de représentants spéciaux
Des « ambassadeurs pour les régions » ont été mis à disposition des présidents de région qui le souhaitaient pour favoriser le rapprochement entre les régions, leurs entreprises - en particulier les PME et les ETI - et le réseau diplomatique. Il s'agit de mieux soutenir leurs initiatives et de promouvoir leurs atouts, dont les pôles de compétitivité, à l'étranger.
À ce jour, sept ambassadeurs pour les régions ont été nommés :
- Pierre ANDRIEU pour les régions Lorraine et Champagne-Ardennes
- François BARRY DELONGCHAMPS pour Provence-Alpes-Côte d'Azur
- Alain DU BOISPEAN pour les régions Limousin et Poitou-Charentes
- Michel FILHOL pour les régions Picardie et Nord-Pas-de-Calais
- Louis LE VERT pour les régions Pays de la Loire et Centre
- Chantal POIRET pour la région Haute-Normandie
- Henry ZIPPER DE FABIANI pour les régions Aquitaine et Midi-Pyrénées
Les ambassadeurs pour les régions sont liés au ministère des Affaires étrangères par une convention signée par le ministre et par le président de région. Les ambassadeurs doivent présenter un plan d'action, déclinant concrètement les objectifs poursuivis et les échéances qui sont fixées.
Le dispositif des ambassadeurs pour les régions a reçu un accueil favorable dans l'ensemble des régions où il a été mis en place. Les ambassadeurs commencent à s'insérer dans les dispositifs régionaux. Ce début de parcours très institutionnel est indispensable dans un environnement complexe et délicat où les structures publiques de tous ordres encadrent de près l'action économique internationale de la région. Il est la condition d'une insertion opérationnelle au service des objectifs du département et de la région. La mission de l'ambassadeur ne pourra s'accomplir qu'en liaison avec les structures existantes.
Les ambassadeurs multiplient actuellement les contacts avec les entreprises. Entre autres, les ambassadeurs pour les régions ont permis, en lien avec les structures régionales compétentes, de sélectionner des PME et des ETI à fort potentiel pour accompagner les déplacements officiels.
Des représentants spéciaux, personnalités à l'expertise reconnue, ont été nommés pour favoriser le développement de la relation économique avec certains pays ou régions clés et appuyer les efforts de l'État en soutien aux entreprises.