4/Diplomatie économique et sécurité humaine
parBruno Lartigue
Docteur en médecine, AA IHEDN/AA INHES, SEMSP.
L a sécurité des États est aujourd’hui en partie remise en question par une instabilité économique induite par une globalisation, une financiarisation et une précipitation des échanges jamais atteinte auparavant. Dans un tel contexte de risques hors normes, la diplomatie économique peut-elle servir la sécurité humaine ? Ou inversement, la doctrine relative à la sécurité humaine ayant vocation à orienter les politiques extérieures et l’aide internationale au développement, peut-elle aider à l’émergence d’une nouvelle conception d’échanges économiques ?
Des débuts en dents de scie
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Au milieu des années 1990 émerge le concept de sécurité humaine. Dès lors, la conception traditionnelle de protection des États face aux menaces militaires se trouve ébranlée par une approche focalisée sur la sécurité des personnes et des communautés. À partir de ce moment, la notion de sécurité se trouvera étendue dans les champs du bien-être et de la dignité de l’être humain.
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Le rapport des Nations unies sur le développement humain de 1994 vulgarise le concept en le décrivant comme « la libération de la peur et la libération du besoin ». Mais le G77 reste sceptique et craint avant tout de le voir déboucher sur des violations de la souveraineté des États. Dans cette hantise, le dossier sera freiné encore quelques années et les travaux de recherche dédiés mis en veille.
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En 1999, le réseau de la sécurité humaine est formé autour de 13 États qui partagent des vues communes. Leurs efforts sont couronnés de succès notables dont la signature de la convention d’Ottawa à l’encontre des mines antipersonnel (1997) et la création de la Cour pénale internationale.
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Entre 2001 et 2003, un nouvel élan est porté par la Commission internationale de l’intervention et de la souveraineté des États canadienne (CIISE) et la Commission sur la sécurité humaine japonaise (CHS). Un tel leadership et l’assise financière de ce portage permet enfin l’inscription de la sécurité humaine sur l’agenda mondial.
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Depuis 2005, devant la nécessité d’élaborer des réponses concertées et collectives aux nouvelles menaces, la sécurité humaine est devenue un sujet majeur sur l’échiquier des réformes des Nations unies et d’organisations régionales tel que l’Union européenne ou les pays de la corne de l’Afrique.
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D’un point de vue politique et intellectuel, le concept de sécurité humaine est tout sauf neutre dans la mesure où il implique un nouveau regard sur les paradigmes existant de sécurité et de responsabilité.
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Son application à la fois en tant que cadre analytique et objectif final peut aider à reconnaître, comprendre et répondre à la fragilité structurelle des États. On comprendra alors que les dirigeants politiques manient ce concept avec tact et mesure tant il peut bouleverser les habitudes de gestion publique.