Najib Lefaf tente désormais de faire annuler son mariage. © M.-S.H / PHOTOMONTAGE LINDEPENDANT.FR
C’est une histoire d’amour tout ce qu’il y a de plus classique. En 2001, alors qu’il rend visite à de la famille au Maroc, Najib tombe amoureux d’une jeune femme. Le jeune couple surmonte les épreuves liées à la distance, Najib multiplie les allers-retours entre les P.-O. et le Maroc… De son propre aveu, il est follement amoureux.
Au point de tout faire pour sa douce et ses proches. L’argent qu’il envoie permet à sa belle famille de quitter son petit logement pour s’installer dans une belle maison. La somptueuse cérémonie traditionnelle suivra, puis le mariage officiel au Maroc, en décembre 2009. Le temps de faire reconnaître l’union en France, et en mars 2010, la jeune mariée arrive à Alénya avec un visa d’un an. Le début, enfin, de la vie de couple à laquelle Najib aspirait ? « Cela a été le début du cauchemar ». Pourtant, Najib ne voit rien venir. Littéralement aveuglé par l’amour, il couvre sa femme de cadeaux, lui donne de l’argent pour qu’elle profite du mode de vie à l’occidentale… « Tout ce que je voulais, c’était la voir s’émerveiller ! ». Najib pardonne tout.
« Amour, fierté, argent… J’ai tout perdu »
Même lorsque son épouse s’enfuit une première fois, et se réfugie dans un foyer pour femmes battues. « Quinze jours plus tard, elle est revenue en pleurant. Je lui ai pardonné. Elle m’a dit que sa famille lui manquait. Je lui ai pris un billet pour le Maroc. Quand elle a fini par revenir, elle m’a dit que sa mère lui imposait une forte pression pour me soutirer de l’argent et que le mieux serait de divorcer au Maroc, sans le faire reconnaître en France. Ce qu’on a fait. Je n’avais pas compris qu’en fait elle assurait ses arrières : du coup, la maison que je lui avais achetée au Maroc restait à son nom, je n’avais plus de droit dessus… ». Najib revient en France, son épouse à son bras, et des rêves plein la tête. « Mais dès qu’elle a obtenu le renouvellement de son titre de séjour, les rapports se sont tendus. Et au bout de quelques semaines, elle a disparu à nouveau ». Najib multiplie les démarches pour la retrouver. Il va jusqu’à imprimer des avis de recherches, qu’il placarde partout dans Perpignan. « J’ai fini par apprendre qu’elle était retournée dans le foyer pour femmes battues. Et là, on m’a fermé la porte au nez. C’était la femme que j’aimais, je voulais simplement comprendre ! ».
Ce que va comprendre Najib, grâce au soutien de ses proches qui vont lui ouvrir les yeux, c’est qu’il s’est fait duper. Que ce qu’il prenait pour le grand amour était en réalité une quête administrative. « Elle m’a utilisé. Tout ce qu’elle cherchait, c’était ses papiers français. Et pour les obtenir au plus vite, elle a demandé le divorce pour violences conjugales et adultère ! Parce que ce statut la protège, et permet de lui accorder son titre de résident même si elle n’est plus mon épouse… ».
Depuis six mois, le couple se déchire désormais devant la justice. En février, l’ex-compagne de Najib a été condamnée par le tribunal correctionnel de Perpignan à 2 mois de prison avec sursis et 5 ans de mise à l’épreuve pour des menaces de mort adressées à Najib. Najib qui, lui, a déposé une plainte auprès du procureur pour ‘mariage frauduleux à but migratoire’ et tente de faire annuler son mariage en France. « Et dire qu’il y a deux ans à peine, je faisais le chemin inverse en faisant reconnaître le mariage… J’ai tout perdu dans cette affaire : l’amour, la fierté, la confiance… et l’argent. J’ai fait les comptes, j’ai dépensé 60 000 € pour elle, aujourd’hui je suis plumé ».
QUESTIONS À…
Blandine Jullian, présidente de l’ANVI
«Nous sommes débordés par le nombre de victimes»
Blandine Jullian est la présidente de l’Association nationale des victimes de l’insécurité, l’ANVI, dont le siège est basé à Vauvert, dans le Gard.
Quel est le lien avec les “mariages gris” ?
Nous avons créé l’ANVI en 1999 pour accompagner les victimes d’agression dans leurs démarches. Puis en 2007, nous avons été contactés par une victime d’un “mariage gris”, et nous avons commencé à nous renseigner sur cette escroquerie. En deux ans, nous avons été débordés par le nombre de victimes. Aujourd’hui nous en avons recensé un millier, mais on estime qu’elles sont sans doute 5 000 en France.
Qu’est-ce qu’un “mariage gris” ?
C’est une escroquerie sentimentale à but migratoire. C’est un terme qui a suscité des interrogations, et que Claude Greffe, l’actuelle secrétaire d’Etat à la famille qui a participé avec nous à un groupe de travail sur la question, souhaitait changer. Mais ce terme est venu des victimes elles-mêmes. Gris, c’est le contraire de ce qui est clair et transparent. A la différence d’un mariage blanc, où les deux conjoints sont complices et d’accord pour flouer l’Etat, ici, l’un des deux conjoints est une victime spoliée, choisie uniquement comme moyen d’obtenir des papiers français.
Qui sont les victimes ?
La répartition entre femmes et hommes est de deux tiers/un tiers. A 80 %, les victimes sont elles-mêmes issues de l’immigration. La cible idéale possède la nationalité française, elle a une bonne situation, un logement, etc. Les mariages sont conclus rapidement, souvent dans un cadre traditionnel. Le temps d’obtenir leur titre de séjour, les conjoints arnaqueurs sont des époux modèles. Ils disparaissent dès lors qu’ils ont leurs papiers. Parfois, faire un enfant est une assurance supplémentaire d’obtenir un statut rapidement. Mais derrière, leur but est de retrouver leur liberté via un divorce… avec les obligations financières auxquelles leurs victimes sont liées.
Quels sont les recours possibles ?
L’escroquerie est très difficile à prouver, et certains tribunaux sont assez réfractaires à cette idée. Mais nous avons désormais pour nous la loi du 16 juin 2011 qui introduit cette notion et la condamne. Recueilli par B. G.
Blandine Jullian, présidente de l’ANVI
QUESTIONS À…
Blandine Jullian est la présidente de l’Association nationale des victimes de l’insécurité, l’ANVI, dont le siège est basé à Vauvert, dans le Gard.
Quel est le lien avec les “mariages gris” ?
Nous avons créé l’ANVI en 1999 pour accompagner les victimes d’agression dans leurs démarches. Puis en 2007, nous avons été contactés par une victime d’un “mariage gris”, et nous avons commencé à nous renseigner sur cette escroquerie. En deux ans, nous avons été débordés par le nombre de victimes. Aujourd’hui nous en avons recensé un millier, mais on estime qu’elles sont sans doute 5 000 en France.
Qu’est-ce qu’un “mariage gris” ?
C’est une escroquerie sentimentale à but migratoire. C’est un terme qui a suscité des interrogations, et que Claude Greffe, l’actuelle secrétaire d’Etat à la famille qui a participé avec nous à un groupe de travail sur la question, souhaitait changer. Mais ce terme est venu des victimes elles-mêmes. Gris, c’est le contraire de ce qui est clair et transparent. A la différence d’un mariage blanc, où les deux conjoints sont complices et d’accord pour flouer l’Etat, ici, l’un des deux conjoints est une victime spoliée, choisie uniquement comme moyen d’obtenir des papiers français.
Qui sont les victimes ?
La répartition entre femmes et hommes est de deux tiers/un tiers. A 80 %, les victimes sont elles-mêmes issues de l’immigration. La cible idéale possède la nationalité française, elle a une bonne situation, un logement, etc. Les mariages sont conclus rapidement, souvent dans un cadre traditionnel. Le temps d’obtenir leur titre de séjour, les conjoints arnaqueurs sont des époux modèles. Ils disparaissent dès lors qu’ils ont leurs papiers. Parfois, faire un enfant est une assurance supplémentaire d’obtenir un statut rapidement. Mais derrière, leur but est de retrouver leur liberté via un divorce… avec les obligations financières auxquelles leurs victimes sont liées.
Quels sont les recours possibles ?
L’escroquerie est très difficile à prouver, et certains tribunaux sont assez réfractaires à cette idée. Mais nous avons désormais pour nous la loi du 16 juin 2011 qui introduit cette notion