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La peine
LA PEINE
I – LA NOTION DE PEINE
Donc, premier volet de notre émission, la notion de peine. Et nous tenterons dans un premier temps de définir et de caractériser la peine en tant que sanction sociale et dans un second temps de les distinguer d’une autre forme de sanction pénale que l’on appelle la mesure de sûreté qui est moins connue évidemment que la notion de peine.
L’idée de peine est bien entendu toujours associée au droit pénal, les deux termes ayant une origine étymologique connue – du latin poena, on en a déjà dit un mot.
Alors que le terme sanction est beaucoup plus large, recouvrant des domaines que vous connaissez déjà, on parle en effet de sanctions civiles, on parle aussi de sanctions disciplinaires mais aussi de sanctions administratives, on a déjà eu l’occasion d’en parler.
Donc commençons nos développements par définir ce qu’est une peine
A – LA DEFINITION DE LA PEINE
Le Nouveau Code pénal, pas plus d’ailleurs que l’ancien, ne définit la notion de peine. D’une façon simplifiée et pour ainsi dire neutre, elle peut être définie comme une sanction liée à une incrimination prévue par la Loi entendue de façon large et prononcée par une juridiction pénale. La peine est donc la conséquence attachée par le législateur à des comportements fautifs. La peine vient donc ici sanctionner une faute.
Il n’est bien pas question ici de procéder à une approche philosophique de la peine, laissons cela aux penseurs anciens et modernes, en remontant jusqu’à Platon ou Aristote qui ont réfléchi sur ces questions, retenons seulement les justifications qui ont le plus souvent été avancées du droit de punir.
Elles sont nombreuses, on pourrait citer l’intérêt public, mais aussi la vengeance ou encore la notion de légitime défense de la société, la notion de contrat social, mais cela pourrait être aussi la mise hors de délégation d’un droit divin. Les origines peuvent être nombreuses.
Mais, si le Code ne définit pas la peine, il n’en indique pas non plus le but. Bien sûr, la peine a été faite pour punir au départ, mais elle n’est plus que cela et le Conseil constitutionnel a pu encore récemment affirmer qu’une peine doit tendre à assurer la sécurité de la société – ça c’est un fait – mais aussi à amender et à resocialiser, pour synthétiser la pensée exprimée par cette haute autorité.
En fait, la peine en tant qu’instrument de politique pénale remplit – est susceptible de remplir – une double fonction. Une fonction utilitaire tout d’abord que certains qualifient avec une terminologie plus moderne, et avec quelques nuances, de prospectives ; donc une fonction prospective. Et ensuite, deuxième aspect, une fonction plus morale dirons-nous, encore appelée par un néologisme plus ou moins heureux « restitutive ».
Donc fonction utilitaire et prospective, mais aussi fonction morale ou restitutive.
-- Par sa fonction morale, la peine donne satisfaction à un besoin de justice en imposant au coupable l’expiation de sa faute. L’idée de justice suppose que lui soit infligée une punition. Au mal commis doit correspondre un mal subi, c’est l’idée de rétribution. Et la doctrine la plus contemporaine y ajoute les idées de réparation mais aussi de responsabilisation en réparant le mal qui a été causé. Donc, voilà pour la fonction morale.
-- Par sa fonction utilitaire maintenant,
· La peine donne satisfaction à une nécessité cette fois de défense sociale en recherchant la dissuasion. Tout d’abord par l’intimidation, l’intimidation du délinquant pour empêcher la récidive, mais aussi par l’exemplarité pour prévenir le délinquant en décourageant évidemment la commission d’infractions.
· Ensuite, la peine contribue également à la nécessité de défense sociale dans la recherche non plus de la dissuasion, mais dans l’idée d’élimination cette fois que cette élimination du délinquant soit temporaire ou définitive. Donc voilà la fonction utilitaire.
· On pourrait également préciser que la peine fournit dans notre droit pénal moderne un objectif également de réadaptation mais aussi d’amendement.
Donc voilà différents aspects de cette peine par sa fonction morale et par sa fonction utilitaire et il n’est plus question aujourd’hui évidemment de privilégier l’une ou l’autre de ces fonctions, ni d’opposer ces différents objectifs entre eux. En fait, la peine c’est un peu de tout cela, il existe en réalité une interpénétration de ces différentes fonctions, l’une prenant parfois le pas sur l’autre, selon la nature de la peine comme nous le constaterons lors de l’étude de ces différentes peines.
Au regard des caractères de la peine, et à la lecture de la nomenclature dirons-nous de plus en plus diversifiée des peines, chacune ayant ses particularités, il peut apparaître à première vue difficile de dégager précisément des caractères généraux applicables à toutes les peines. En effet, qu’y a-t-il de commun entre la réclusion à perpétuité et le paiement d’une amende, entre une peine de travail d’intérêt général et la confiscation d’un véhicule ?
Toutefois, il ne faut pas s’arrêter aux particularités de régime de chacune de ces peines et s’élever au-dessus (!!!!) de celles-ci pour voir qu’elles présentent en réalité des traits communs ; ce que l’on appelle traditionnellement les caractères fondamentaux de la peine.
Avant de voir ces caractères, je voudrais simplement dire un mot sur les bases textuelles qui sont à l’origine de ce droit de la peine tout à fait fondamentales bien entendu.
On peut citer la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789 que vous connaissez bien, on en parle souvent et de son article 8. On peut aussi citer la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948, la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme qui est applicable en France depuis 1974 et la Cour de Strasbourg qui organise en la matière une véritable jurisprudence. Donc une véritable jurisprudence de la CEDH en matière de peine. On peut également citer une Convention Internationale qui a été ratifiée par la France et qui a été signée en 1987 relative à la question de la torture et des peines ou encore des traitements inhumains et dégradants qui font partie donc de ces bases textuelles et puis enfin bien entendu nos deux Codes – le Code pénal et le Code de Procédure pénale – qui organisent à la fois la nature mais aussi le prononcé des peines ainsi que leurs modalités d’exécution.
Voilà donc pour les principales sources et, pour en revenir maintenant aux caractères généraux de la peine, et bien on peut en citer trois fondamentaux, c'est à dire trois traits communs à toutes les peines. C’est des notions que vous connaissez déjà telles la légalité des peines – on en a déjà parlé – l’égalité des peines également, la personnalité de celles-ci, la proportionnalité des peines qui ont valeur de principe et que nous avons déjà évoquées dans d’autres émissions.
-- S’agissant tout d’abord de la légalité des peines énoncée à l’article 111-2 du Nouveau Code pénal, elle constitue le corollaire de la légalité des infractions et représente des revendications majeures de la Révolution et que la Révolution bien entendu va satisfaire, afin de lutter contre l’arbitraire des juges et bien entendu contre les disparités entre régions ou encore entre classes sociales. La légalité des peines implique que la nature mais aussi le maximum de la peine soient prévus précisément par le législateur. Bien sûr il est accordé au juge, nous le verrons, le pouvoir de l’individualiser, nous reviendrons sur cet aspect un peu plus tard.
-- S’agissant, après la légalité des peines, de l’égalité des peines. Ce principe se présente comme le corollaire direct là encore du principe de légalité et plus spécialement de la légalité des peines dans la mesure où celles-ci sont fixées par la Loi qui n’édicte que des règles générales, elles sont par voie de conséquence égales pour tous, sous réserve là encore bien sûr des possibilités d’individualisation par le Juge, mais une individualisation fondée sur la faute et la personnalité du délinquant et non à l’évidence sur la condition sociale de la personne, de son titre ou de son rang, comme c’était le cas sous l’Ancien Régime. Il s’agit ici d’une égalité de droits et non de fait au regard de la peine dans la mesure où les effets d’une même peine évidemment à l’encontre de ces deux individus différents ne sont pas vécus de la même façon, avec la même contrainte ou la même souffrance cela va de soi.
-- Enfin, s’agissant de la personnalité des peines, principe complètement méconnu de l’Ancien droit, on ne peut parler de principe ayant valeur absolue ; nous avons déjà eu l’occasion de nous en rendre compte lors de l’étude de la responsabilité pénale du délinquant, et plus spécialement lorsque nous avons développé la question de la responsabilité pénale du fait d’autrui. Malgré l’affirmation de ce principe de la personnalité dans une Loi des 21 et 30 janvier 1790, celui-ci tant en droit qu’en fait, puisqu’il existe toujours des répercussions morales et matérielles sur la famille du condamné, et bien, a perdu de sa vigueur ; repris dans le Code révolutionnaire de 1791, il ne l’a pas été dans le Code de 1810 qui va d’ailleurs instaurer la confiscation générale des biens (je n’ai pas eu l’occasion de vous en parler, mais c’est un aspect un petit peu historique) mais ça ne sera pas non plus repris dans le Nouveau Code pénal.
-- Quant à la question de la proportionnalité des peines, la notion de juste mesure n’est plus guère exprimée que dans la Déclaration des Droits de l'Homme, c’est d’ailleurs sur la base de ce texte que le Conseil constitutionnel peut annuler des di