pour la réalisation de la révolution démocratique populaire
( adoptée à l'unanimité par le C. N. R.A. à Tripoli en Juin 1962)
VUE D’ENSEMBLE DE LA SITUATION ALGERIENNE
1) DE LA SOUVERAINETE NATIONALE
Le 19 mars 1962, un cessez-le-feu a été proclamé mettant fin à une longue guerre d’extermination menée par l'impérialisme colonial français contre le peuple algérien.
Le cessez-le-feu est le résultat de l'accord intervenu à Evian entre le G.P.R.A. et la France, accord par lequel l'indépendance de l'Algérie sur la base de l'intégrité territoriale doit être rétablie suivant une procédure définie en commun par les deux parties.
C’est à I'occasion d'un référendum d'autodétermination que le peuple algérien sera invité à approuver la solution prévue par les accords d’Evian relativement A l'indépendance de I'Algérie et à la coopération entre ce pays et la France.
Les accords d’Evian constituent, pour le peuple algérien, une victoire politique irréversible qui met fin au régime colonial et A la domination séculaire de l'étranger.
Cependant, cette victoire qui a été obtenue sur le plan des principes, ne nous fait pas oublier quelle est due, avant tout, au processus révolutionnaire continu et aux faits politiques et sociaux de portée historique crées par la lutte armée du peuple algérien.
Ce sont ces faits-là, dégagés au cours de la guerre libératrice, qui représentent la seule victoire durable parce qu'ils prolongent, d'une manière concrète, les acquis de la lutte armée et constituent le garant réel de l’avenir de notre pays et de notre Révolution.
En quoi réside L'importance de ces faits
1e) C’est dans l'action directe contre le colonialisme que le peuple algérien a retrouvé puis consolidé son unité nationale. Il a ainsi banni de ses rangs le sectarisme ancien des partis et des clans et surmonté les divisions que l'occupation française avait érigées en système politique;
2e) C’est dans I'unité de combat que la nation, opprimée par le colonialisme, s’est redécouverte en tant qu’entité organique et a donné toute la mesure de son dynamisme. Ce faisant, la nation algérienne a renoue avec ses traditions de lutte et mené à son terme l’effort inlassable et longtemps contrarié en vue de réaliser I'indépendance et la souveraineté nationale;
3e) L’entrée en mouvement des masses populaires a ébranlé 1'édifice colonial et remis en cause, de façon définitive, ses institutions rétrogrades, comme elle a accéléré la destruction des tabous et des structures d'origine féodale qui entravaient le développement de la société algérienne.
Tout cela consacre I'échec de la double entreprise contre-nature du colonialisme français qui tendait A détruire radicalement notre société pour la remplacer par un peuplement étranger intensif et à la maintenir, par la contrainte, dans la stagnation et I'obscurantisme.
L’engagement des masses algériennes n’a pas seulement entraîné la destruction du colonialisme et du féodalisme. 11 a déterminé aussi une prise de conscience collective ayant trait aux exigées par le remembrement et la construction de la société sur des bases nouvelles. Le peuple algérien, en reprenant l'initiative, en affirmant avec persévérance sa volonté de libération, a lié, consciemment ou inconsciemment, cette dernière a la nécessite historique d'un progrès multiple à conquérir et à promouvoir sans relâche sous sa forme révolutionnaire la plus efficace.
L’effort créateur du peuple s’est largement manifesté à travers les organes et instruments qu'il s’est forgé sous la direction du F.L.N. pour la conduite générale de la guerre de libération et I'édification future de I'Algérie.
Unité du peuple, résurrection nationale, perspectives d'une transformation radicale de la société, tels sont les principaux résultats qui ont été obtenus grâce 'a sept années et demi de lutte armée. Le peuple algérien a, non seulement atteint I'objectif de I'indépendance nationale que le FLN S'était assignée le 1er Novembre 1954, mais il I'a dépassé dans le sens d'une révolution économique et sociale.
II) LA GUERRE COLONIAL LA RECONVERSION DU COLONIALISME
La guerre coloniale menée par la France contre le peuple algérien a pris le caractère d'une véritable entreprise d'extermination. Elle a nécessité I’envoi, en Algérie, de la plus forte armée coloniale de tous les temps. Pourvue de tous les moyens modernes de destruction, appuyée par une administration coloniale puissante, aidée dans ses besognes de répression, de terreur et de massacres collectifs par le peuplement français d'Algérie, cette armée s’est attaquée surtout aux populations civile sans défense et s’est vainement acharnée contre I'ALN. C’est ainsi que plus d'un million d’Algériens ont été décimés et que des millions d'autres ont été déportés, emprisonné, contraints A I’exil. Cette guerre de reconquête coloniale n'a pu se prolonger que grâce A I'appui de I'OTAN et au soutien militaire et diplomatique des Etats-Unis. Le degré de barbarie atteint dans cette guerre s’explique par la nature même de la colonisation de peuplement et la complicité de. la nation française longtemps abusées par la mythe de 1'(Algérie française Le caractère national et chauvin de cette guerre de reconquête a été illustré par la participation constante du contingent qui représentait toutes les classes de la société française, dont la classe ouvrière. La gauche française qui a toujours joué, sur le plan théorique, un rôle dans la lutte anti-colonialiste, s’est révélée impuissante face au développement implacable de la guerre et à ses conséquences qu’elle n'avait pas prévues. L'action politique qu’elle a menée est restée timide et inopérante en raison de ses vieilles conceptions assimilationnistes et des idées erronés qu’elle se faisait de la nature évolutive du régime colonial et de son aptitude 'a se réformer pacifiquement. C’est la lutte opiniâtre du peuple algérien qui a contraint le colonialisme français a mettre 'a nu sa véritable nature en tant que système totalitaire engendrant, tour A tour, le militarisme et le fascisme, vérité qui a longtemps échappé aux démocrates français et que les évènements ont démontrée.
Ainsi, à partir du 13 Mai 1958 notamment, le mouvement fasciste issu de la guerre de reconquête s’est renforcé petit à petit en France même, aggravant a son tour les conditions de cette guerre coloniale qu'il a relancée avec plus de virulence dans I’espoir de venir rapidement il bout de la résistance algérienne.
L’échec étant devenu patent en dépit du renforcement colossal des moyens matériels et tactiques de la guerre d'Algérie dont le plan Challe a été I'un des aspects le, plus significatifs, le Gouvernement gaulliste s’est vu acculé A reconvertir le régime colonial classique en système néo-colonialiste visant A maintenir, sous d'autres fournies, l'essentiel des intérêts économiques et stratégiques de la France.
Le Plan de Constantine, conçu au plus fort de la guerre en vue de créer les bases économiques d’une (3ème force algérienne), a été la première esquisse de cette politique pseudo-libérale.
Sous la pression conjuguée de la lutte libératrice et de la situation internationale, la France a fini par admettre la nécessité dune solution pacifique du problème algérien par la négociation avec le G.P.R.A. Les conférences de Melun en juin 1960, d’Evian en mai 1961 et de Lugrin en juillet de la même année, ont successivement échoué en raison de I'obstination du gouvernement français qui, tour à tour, réclamait une reddition camouflé on exigeait un démembrement du territoire algérien qu'il prétendait amputer de sa partie saharienne. Le renforcement de ta lutte du peuple qui est allé progressant avec les journées historiques de décembre 1960 et la politique conséquente du G.P.R.A. qui s’en est tenu aux positions fondamentales de la Révolution, ont contraint le gouvernement français 'a entamer des négociations sérieuses.
Les accords d’Evian qui en ont résulté le 18 Mars 1962 consacrent la reconnaissance de la souveraineté nationale de I'Algérie et I'intégrité de son territoire.
Toutefois, ces accords prévoient, en contrepartie de I'indépendance, tine politique de coopération entre I'Algérie et France.
La coopération, telle qu’elle ressort des accords, implique le maintien de liens de dépendance dans les domaines économique et culturel. Elle donne aussi, entre autres, des garanties précises aux Français d'Algérie pour lesquels elle ménage une place avantageuse dans notre pays.
Il est Evident que le concept de coopération, ainsi établi, constitue l’expression la plus typique de la politique néo-colonialiste de la France. Il relève, en effet, du phénomène de reconversion par lequel le néo-colonialisme tente de se substituer au .colonialisme classique.
Amorcé de longue date par le pouvoir gaulliste cette reconversion procède de la contradiction qui s’est instance dans le camp impérialiste français du fait de la guerre d'Algérie. Il y a, dune part, les partisans de la colonisation agraire selon les normes du conservatisme colonial et leurs alliés militaro-fascistes, et, d'autre part, les tenants du grand capital français évocation industrielle qui visent é pratiquer une politique de rechange sur la base d'un compromis avec le nationalisme algérien.
La tâche Immédiate du FLN est de liquider, par tous les moyens, le colonialisme tel qu'il se manifeste encore après le cessez-le-feu sons sa forme virulente à travers les actions criminelles de I'O.A.S. Mais il devra, également, élaborer, dès à présent, une stratégie efficace en vue de faire échec aux entreprises néo-colonialistes qui constituent un danger d'autant plus grave pour la Révolution queues se parent des dehors séduisants du libéralisme et d’une coopération 'économique et financière qui se veut désintéressée.
L'antagonisme actuel entre I'ancien et le nouveau colonialisme ne doit pas faire illusion.
En tout état de cause il n’est pas question de préférer I'un à I'autre ;