La morsure glaciale de la douche sur ma peau brûlante chassa les derniers vestiges d’un
cauchemar dont je n’arrivais pas à me souvenir vraiment.
Je fermai les yeux et me plaçai directement sous le jet dans l’espoir que la frayeur et la
nausée disparaîtraient dans la bonde en même temps que le tourbillon d’eau qui se formait
à mes pieds. Un frisson me secoua, et mes pensées se tournèrent vers ma femme. Mon ange
qui dormait paisiblement dans l’appartement voisin. J’avais tellement besoin d’elle, j’aurais
tant voulu me perdre en elle, mais je ne le pouvais pas. Non, je ne pouvais ni la serrer dans
mes bras ni attirer son corps voluptueux sous le mien pour m’y enfouir et laisser ses caresses
effacer les mauvais souvenirs.
— Merde.
Les mains plaquées contre le carrelage, j’encaissais le déluge punitif qui me pénétrait
jusqu’aux os. Je n’étais qu’un sale égoïste.
Si j’avais été un type bien, je me serais détourné d’Eva à la seconde où je l’avais vue
pour la première fois.
Au lieu de quoi, je l’avais épousée. Et j’aurais voulu que la nouvelle de notre mariage
soit annoncée par tous les médias de la planète plutôt que d’être un secret partagé par une
poignée de gens. Le pire, puisque je n’avais pas l’intention de lui rendre sa liberté, c’était
que j’allais devoir trouver le moyen de garder tapis en moi les démons qui me hantaient au
point de m’empêcher de dormir dans la même chambre qu’elle.
Une fois débarrassé de la sueur de mon cauchemar, j’enfilai un pantalon de jogging et
gagnai la pièce qui me servait de bureau. Il était à peine 7 heures du matin.
Deux heures plus tôt, j’avais quitté l’appartement qu’Eva partageait avec son meilleur
ami, Cary Taylor, pour lui permettre de dormir quelques heures avant d’aller travailler.
Nous nous étions aimés toute la nuit, l’un et l’autre trop fébriles et trop avides. Il y avait eu
autre chose aussi. J’avais senti chez elle une nécessité pressante qui m’avait mis mal à l’aise
et dont le souvenir me rongeait